Élévation du niveau de salaire et avantage comparatif : le dilemme des pays à bas cout de production



La Rédaction
Samedi 28 Septembre 2013

Les pays où le coût de la main-d'œuvre est peu élevé profitent de l'affluence d'entreprises étrangères qui délocalisent leurs productions et investissent massivement. Ces investissements permettent aux pays low-cost, de se développer très rapidement, mais la richesse qui se crée parallèlement entraîne une élévation des salaires qui réduit l'attrait des bas coûts.


Élévation du niveau de salaire et avantage comparatif : le dilemme des pays à bas cout de production

Le dilemme des pays low-cost

La main-d'œuvre pas chère des pays low-cost, attire de nombreuses multinationales et des investisseurs des quatre coins du monde. Leur venue aboutit à une création accélérée de richesse et les pays low-cost, pour la plupart en voie de développement, profitent d'une croissance effrénée essentiellement dopée par les IDE. Cependant, dans ce contexte de développement accéléré, l'environnement du travail change également à grande vitesse, et les salaires augmentent inéluctablement. Or, si les bas salaires sont le premier argument qui incite la venue des multinationales et investisseurs étrangers, tôt ou tard, chaque pays à bas coût de production se retrouvera face à un important dilemme.  Soit continuer sur un modèle de développement financé par les IDE, au détriment de la colère de salariés sous-payés, et au risque d'assister à des révoltes sociales, soit augmenter les salaires, ce qui ferait fuir les investisseurs et multinationales, entrainerait des milliers de licenciements et la fin d’une croissance vertueuse. Le juste milieu se trouve dans le rapport de force entre les collectifs d’acteurs concernés, à savoir, les syndicats, les travailleurs, les gouvernements, et évidemment les multinationales et leurs sous-traitants.

Le rôle des multinationales dans l’élévation des salaires

La puissance financière dont disposent les multinationales dans les pays où elles s’implantent leur octroie un pouvoir d'influence de premier ordre face aux syndicats, aux instances gouvernementales et face aux travailleurs. Elles sont dans une position de force qui leur permet, par exemple, d'exiger que les salariés de leurs fournisseurs soient payés selon un barème qu'elles définissent, ou encore d'imposer certaines conditions de travail. Globalement, on observe que les entreprises étrangères implantées dans les pays low-cost, paient mieux leurs employés, et que ces derniers profitent de meilleures conditions de travail. Les multinationales ont donc un impact positif et participent favorablement à l’élévation des salaires du pays. Mais en regardant de plus près, on s'aperçoit que ce n'est pas forcément le résultat d'une politique responsable. Les entreprises étrangères apportent avec elles, leur savoir et leur avance technologique, ce qui nécessite le recrutement d'employés qualifiés, et la formation de personnel, car leur besoin en compétences pointues est plus grand. De ce point de vue, il est normal que la plupart des employés de multinationales soient mieux payés que les ouvriers travaillant dans des usines locales low-cost, car ils sont mieux formés et plus qualifiés. En revanche, lorsqu’une multinationale rachète une entreprise locale, les salaires ne changent pas. Ce qui démontre que les politiques salariales restent axées sur une réduction des coûts par la main-d'œuvre. On peut donc se demander si les multinationales profitent simplement de la situation, ou si elles sont bienfaitrices.

Profiteurs ou bienfaiteurs ?

Les multinationales pèsent lourd dans l’économie des pays à bas coût de production, et on peut difficilement remettre en cause le motif de leur présence, à savoir la main-d'œuvre pas chère. Surtout lorsqu’on sait qu’elles payent mieux les employés que les entreprises locales. Leur pouvoir d’influence soulève donc la question de leur volonté de participer à l’amélioration générale des conditions de travail des salariés. Notamment de ceux qu’elles font travailler indirectement, car ce sont eux qui ont le plus faible pouvoir d’achat. Or, les multinationales se contentent souvent de répondre aux exigences sociales du pays d’accueil, et renvoient la responsabilité de l’employeur à leurs fournisseurs.  Ce sont ces derniers qui peinent à progresser, étant coincés entre la législation du pays et les exigences de leurs clients. À ce niveau, le rôle des gouvernements des pays low-cost est donc essentiel, mais c’est aussi à ce niveau que le dilemme entre augmentation des salaires et création de richesse par les IDE, apparait. Toutes les parties prenantes doivent avoir la même vision de l’investissement durable, le but étant d’obtenir des efforts de la part de chaque acteur. Autrement dit, les gouvernements doivent être capables d’imposer un cadre légal favorable à l’amélioration des conditions de travail, par un dialogue entre les partis, et ce, sans craindre la fuite des multinationales. Ces dernières doivent donc être compréhensives, et doivent être capables, de leur côté, d’imposer des améliorations à leurs fournisseurs, pour soutenir l’effort étatique. L’intervention des instances gouvernementales est donc délicate, car les moyens de pression doivent être acceptables pour toutes les parties prenantes.

Le cas d’H&M

Le géant de l’habillement H&M possède des filiales et sous-traitants dans de nombreux pays low-cost, et notamment au Bangladesh où plusieurs centaines d’usines avait dû fermer leurs portes face à des révoltes de salariés. H&M premier acheteur de textile du pays  a réclamé de la part du  gouvernement du pays, une augmentation de salaire pour les salariés de ces usines de textile. L’intervention d’H&M, entre dans le cadre d’une politique de responsabilité sociétale, et les conséquences positives de cette intervention, montrent le rôle important qu’ont à jouer les multinationales. Le gouvernement a également été contraint d’agir pour éviter la paralysie de son économie, mais la prise de parti du parton d’H&M envers les salariés du pays, a eu un effet important, notamment sur les fournisseurs. Les multinationales peuvent donc être des bienfaitrices si elles en ont la volonté. Tâche aux gouvernements des pays low-cost, de sensibiliser les multinationales peu responsables, aux problématiques locales, pour les inciter à faire pression sur les fournisseurs, et à accepter une hausse de leurs coûts de production pour l’intérêt général. Les entreprises comme H&M, sont de plus en plus nombreuses à se soucier de leur impact sociétal, et leurs actions étaient jusqu’alors volontaires. Il s’agit donc maintenant, de cadrer ces actions et d’inciter le plus grand nombre, à adopter un comportement responsable, laissant ainsi une plus grande marge de manœuvre aux pays low-cost, pour concilier développement économique et développement social.

Notez




News les plus populaires