La fiscalité menace-t-elle la solidarité républicaine ?



Cafeine Le Mag
Lundi 2 Juin 2014

Trop d’impôt tue l’impôt. Le fameux adage s’est encore vérifié en 2013, année de toutes les nouveautés fiscales où les recettes de l’État ont accusé un certain déclin. Dès lors se pose une question : jusqu’où les pouvoirs publics peuvent-ils user de l’outil fiscal sans pour autant menacer la cohésion du système français de redistribution ?


Elle aura été le thème de l’année 2013, mais qui nous dit qu’il n’en sera pas de même en 2014 ? La fiscalité en France a en effet atteint des sommets de polémique au cours des derniers mois, avec des épisodes parfois improbables comme celui du projet de taxe sur l’excédent brut d’exploitation des  entreprises. L’impôt se trouvait pourtant au centre de la campagne de François Hollande, et figurait assurément parmi les arguments qui ont convaincu les Français de le porter au pouvoir. Comment expliquer un tel revers d’opinion ? Pour mieux comprendre, un tour d’horizon des différentes mesures fiscales de l’année précédente s’impose.
 
La taxation des hauts revenus à 75 %
 
C’est à n’en pas douter le dossier de la taxation des revenus les plus élevés qui a fait exploser le débat au sujet de la fiscalité en France. Cette mesure, désignée par un raccourci éloquent de « taxe à 75 % », était destinée à soumettre à un taux d’imposition de 75 % les revenus supérieurs à 1 million d’euros annuels. L’idée devient un des fers de lance de François Hollande pendant la campagne présidentielle. Problème : une fois élu, il voit sa mesure frappée d’anticonstitutionnalité en décembre 2012.
 
La mesure est jugée confiscatoire par le Conseil Constitutionnel. Un verdict que les commentateurs ne manquent pas de rapprocher par la suite de « l’épisode Gérard Depardieu » – l’acteur a organisé son exil fiscal à cause de cette mesure notamment –. Ils feront un nouveau parallèle à l’occasion de la levée de boucliers du patronat français – Laurence Parisot, encore à la tête du MEDEF, dénonce alors une mesure « anti-entreprise », arguant des répercussions sur l’investissement –. Plus récemment, ce fut au tour des clubs de football français de mener une fronde qui a ravivé la polémique – car les joueurs seraient de fait parmi les premiers concernés par la taxe –. Mais cette mesure concerne une minorité de foyers, et il est encore possible de l’entériner.
 
La révision du quotient familial
 
La « taxe à 75 % » se mue ainsi en fin d’année 2013 en « taxe à 50 % ». Le principe reste le même, mais les échelles sont différentes et cela permet au texte d’être approuvé par le Conseil Consitutionel en dépit des levées de boucliers précédemment évoquées qui contestent la légitimité de la mesure. La polémique fiscale ne fait toutefois que commencer. En effet, le gouvernement entend également revoir la politique du quotient familial, une mesure qui toucherait cette fois quelque 13 % des ménages français, d’après les chiffres avancés par Le Parisien.
 
« Le quotient familial repose sur le principe que plus les enfants rattachés à un foyer fiscal sont nombreux, plus les facultés contributives de ce foyer diminuent », résume Frédéric Douet, professeur de Droit fiscal de l’Université de Bourgogne. Or en octobre 2013, l’Assemblée a voté l’abaissement du plafond de ce quotient, ce qui équivaut en définitive à augmenter le montant des impôts prélevés chez les ménages qui en bénéficient. Contrairement à la mesure phare de François Hollande, la révision du quotient familial promet ainsi d’avoir des répercussions sur un nombre beaucoup plus important de citoyens français. Car toutes les familles existantes ou en devenir sont concernées.
 
La fiscalisation des cotisations de complémentaire santé
 
Puis, la saga fiscale se poursuit en 2013 avec les développements sur la généralisation de l’accès au régime d’assurance maladie complémentaire. La loi pour la sécurisation de l’emploi, tirée notamment de l’accord national interprofessionnel signé en janvier 2013, établit en effet le caractère obligatoire de l’assurance santé complémentaire, financée a minima à 50 % par l’employeur. Mais « cette part de cotisation sera désormais intégrée à l’assiette de l’impôt sur le revenu des salariés », rappelle Bertrand Da Ros, le directeur général de la mutuelle SMI. Comme beaucoup d’autres professionnels de l’assurance, il s’interroge sur les effets concrets d’une mesure qui intialement « a vocation à profiter aux salariés qui n’avaient pas les moyens de soucrire à une complémentaire santé ». Paradoxalement, explique Bertrand Da Ros, « c’est leur revenu disponible qui a toutes les chances d’être tiré vers le bas, la contribution versée par l’employeur devenant imposable ».
 
« Les gens verront bien leur impôt augmenter dès cette année, sans qu'ils aient gagné plus d'argent ou bénéficié d'une prestation supplémentaire. Le gagnant dans cette pièce en trois actes, c'est l'État. Les 10 millions de contribuables concernés sont les “perdants” », en conclut pour sa part Philippe Mugniéry, du cabinet d’expertise comptable BDO. Si la mesure entend avantager les salariés les moins rémunérés et leur permettre d’accéder à une meilleure prise en charge de leur remboursement de frais médicaux, ce sont bien bien tous les actifs français qui s’apprêtent à subir l’augmentation de l’impôt.
 
Au regard de ce rapide examen des principales mesures fiscales prises par le gouvernement au cours de l’année 2013, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la fiscalité a autant divisé au cours des derniers mois et pourquoi cela risque fort de continuer. En l’absence de toute annonce crédible de réduction des dépenses de l’État, face à des prélèvements obligatoires croissants de manière toujours plus spectaculaire, et compte tenu de la situation de stagnation durable des revenus des Français décrite par les derniers chiffres de l’INSEE, le sentiment d’injustice des Français grandit de manière évidente.

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