Les viticulteurs contraints de changer leurs habitudes ?



Lundi 24 Février 2014

Un viticulteur de Bourgogne comparaît aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Dijon pour avoir refusé de pulvériser un produit chimique rendu obligatoire par un arrêté préfectoral. Les agriculteurs devront-ils obligatoirement traiter leurs vignobles ?


Les viticulteurs contraints de changer leurs habitudes ?
Pesticide ?

Emmanuelle Giboulot est un viticulteur en Bourgogne qui exploite un parcellaire d’une dizaine d’hectares en biodynamie. Cet agriculteur biologique n’a pas souhaité traiter ses vignes pour éradiquer un petit insecte nommé cicadelle qui s’est répandu dans le vignoble bourguignon depuis plus de soixante ans. Cet insecte contamine les vignes d’une maladie particulièrement contagieuse et qui fait des ravages : la flavescence dorée.

Le plan de lutte sur plusieurs départements s’est formalisé par arrêté préfectoral de la Côte d’Or dont dépend M. Giboulot. Un viticulteur classique peut utiliser un pesticide comme le Luzindo. Cependant le traitement pose problème aux parcelles d’agriculture biologique. Les viticulteurs bio peuvent utiliser le Pyrevert, qui n’est pas un pesticide, mais un produit naturel à base de pyrèthre, que l’on trouve dans les fleurs du chrysanthème. Cependant, ce produit est avéré « dangereux pour les abeilles, et dangereux pour l’environnement ».

Conséquences sur l’agriculture

« Il existe un décalage d’au moins une année entre la contamination d’une souche et l’apparition des symptômes. Quand on voit le foyer, c’est déjà trop tard », martèle M. Lapôtre, de la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF) de Bourgogne. Il existe donc un risque de maladie non maîtrisé d'une année sur l'autre.

Même si le parcellaire de Bourgogne est très faiblement touché aujourd’hui, la cicadelle n’est pas éradiquée. Dans le pire des cas, c’est tout une récolte qui pourrait se retrouver anéantie. Le préjudice pour le patrimoine ne serait pas touché : le pronostic vital de la plante n'est pas engagé, puisque la maladie ne touche pas le bois.

«Si la France a choisi d’ouvrir le terrain de la viticulture biologique, elle doit aussi accepter les viticulteurs qui ne souhaitent pas traiter leurs parcelles » indique Emmanuelle Vaudour, Maître de Conférences à AgroParisTech, oenologue, agronome et spécialiste des terroirs viticoles. Le terroir doit être protégé avec des moyens modernes appropriés. Certes, cela peut entacher la qualité d’une récolte, mais ne mettra pas en difficulté l’apiculture locale sur plusieurs saisons, conséquence possible d’un traitement par le Pyrevert.

Le traitement ne doit donc pas être aujourd’hui un automatisme pour tous les viticulteurs, tout en respectant le type d’exploitation des collègues (bio par exemple). Il est important et même obligatoire de prendre toutes les précautions avec des produits extrêmement toxiques, y compris pour les traitements chimiques autorisés en biodynamie et pour lesquels le principe de précaution peut être appliqué. Il en a coûté la vie à Stéphane Sardin, technicien agricole, décédé à 28 ans d’un cancer des testicules foudroyant en août 2013 pour avoir inhalé un pesticide.

La biodynamie est certes bien plus contraignante, mais comme tous les agriculteurs, ils doivent entretenir leurs terres dans le respect des règles, lié à ce segment. Ceci peut s’en ressentir sur le prix de vente d’une bouteille, mais le client doit être conscient dans tous les cas de payer tant pour protéger le vignoble que le personnel de l’exploitation.

Le débat n’est pas encore fini avec l’introduction possible des OGM en France par M. le Foll, qui risque en conséquence d’employer d’autres pesticides pour des bestioles et parasites encore plus résistants pour lesquels le recul est insuffisant. Les plantes modifiées sont plus résistantes, mais cela ne les empêche pas de tomber malade Cependant, condamner un agriculteur du point de vue juridique, s’avère délicat car la profession est noble et difficile et les agriculteurs sont loin rouler sur l’or…

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