Pourquoi les grandes entreprises cultivent de plus en plus l’esprit start-up



Cafeine Le Mag
Samedi 25 Janvier 2014

Culture de l’innovation, décentralisation des décisions, estompement des lignes hiérarchiques : autant de concepts qui ont longtemps été considérés comme l’apanage des start-up. On les retrouve pourtant de plus en plus appliqués avec conviction par les grandes entreprises. Avec des résultats pour le moins convaincants.


(Source : photo-libre.fr)
(Source : photo-libre.fr)
Délégation, autonomisation, réactivité : quand des grands groupes cultivent avec succès l’esprit start-up

L’esprit start-up désigne un mode de fonctionnement qui caractérise les jeunes pousses depuis la fin des années 90. En effet, au fonctionnement hiérarchique, rigide et sclérosé, elles préfèrent un modèle où les lignes de décision sont raccourcies au maximum, où sont favorisées avant tout l’innovation et la créativité, et où, finalement, le maître-mot est l’agilité managériale (*).

Une caractéristique liée à la taille ou au champ d’activité – uniquement high tech - des start-up ? Il semble que non. Certaines grandes entreprises ont en effet totalement intégré ces principes. Cofely Ineo, le géant français du génie urbain, est loin du format start-up : il compte 300 implantations en France, 15 000 collaborateurs, et gère 40 000 projets par an. Pourtant, pour son PDG Guy Lacroix, la délégation de responsabilités est aussi la condition de l’efficacité et de la créativité de ses collaborateurs : « nous considérons que l’initiative et la proximité du terrain sont des gages de réactivité et de pertinence », affirme-t-il. Il constate que cette organisation « physiquement » décentralisée associée à un management responsabilisant permet effectivement d’échapper aux lourdeurs d’une hiérarchie traditionnelle : « Grâce à l’autonomie de nos entités, le changement est immédiatement insufflé à chaque niveau de l’organisation sans qu’il soit nécessaire d’énoncer de multiples directives, ou un plan quinquennal ! ». Et cela relève de l’impératif quand on se positionne, comme Cofely Ineo, sur des projets technologiques d’envergure impliquant des compétences transdisciplinaires. On retrouve en effet l’entreprise impliquée derrière plusieurs réalisations telles que la construction de la LGV Tours-Bordeaux, le plan de vidéosurveillance à Paris, la réalisation du tramway de Dijon, ou encore la conception de smart-grids.

C’est la même logique managériale qui anime le Crédit Mutuel Arkéa, groupe de bancassurance coopératif et mutualiste, qui compte pas moins de 9 000 salariés. Ronan Le Moal, son directeur, reconnaît qu’en matière d’organisation, les start-up ont été précurseurs : « elles instillent dans nos entreprises, plus grandes, de nouvelles approches de travail qui combinent méthodes agiles, responsabilité accrue du salarié, recherche de simplicité… Avec un constat sans appel : une organisation collaborative décuple la créativité et l’innovation ». Un fonctionnement totalement intégré par le Crédit Mutuel Arkéa qui prouve depuis plusieurs années ses capacités à inventer de nouveaux services, en s’appuyant sur les évolutions technologiques : le groupe a été pionnier dans les services de banque à domicile, et peut aujourd’hui se féliciter du succès de ses applications mobiles ou de sa filiale Fortuneo, l’une des premières banques en ligne. Pour Ronan Le Moal, qui affirme que le Crédit Mutuel Arkéa « partage la culture technologique des start-up », les bienfaits de cet esprit start-up ne sont plus à prouver : ils sont directement observables.
 
Un axe parfois plus timide… mais globalement très suivi

Et si l’esprit start-up n’a pas encore touché massivement l’ensemble du tissu des grandes entreprises, force est de constater que c’est une direction que prennent, ou que cherchent à prendre, beaucoup d’entre elles. Il n’est donc pas étonnant que lorsque la Poste décide de refonder son management, elle déclare par la voix de Marie Llobères, directrice générale des opérations courrier : « Pour être une entreprise rentable et responsable, notre transformation se construit autour de quatre principes de management : l’écoute, la responsabilisation, la co-construction et l’initiative ». Autant de principes très… start-up.

Pas étonnant non plus que l’on voit se développer le concept « d’intraprenariat » dans de nombreux groupes. On désigne ainsi le fait qu’un collaborateur, et une petite équipe projet, développent un produit ou service innovant, sur un mode start-up… salarial. Alcatel-Lucent a ainsi pu lancer, grâce à son « entrepreneurial Boot Camp », des projets innovants, notamment liés aux énergies alternatives. Le groupe de télécommunications va même plus loin : il créée des start-up en interne, comme CloudBand récemment. D’ailleurs Michel Combes, le directeur d’Alacatel-Lucent, le martèle : il veut « réinsuffler l’esprit entrepreneurial et d’innovation de l’entreprise  ». Le mode de fonctionnement des start-up lui semble tout adapté à cette fin. Cette voie a d’ailleurs été suivie par d’autres entreprises, qui ont fondé des filiales de nature start-up, pour retrouver la capacité d’innovation, et sans doute la liberté que ne permettaient pas leurs structures historiques. Un choix effectué par plusieurs opérateurs de téléphonie mobile, comme Bouygues Telecom avec B&You, ou la SNCF avec sa filiale IdTGV.

Ainsi si les grandes entreprises cultivent l’esprit start-up, c’est parce qu’elles ont constaté que certains principes offraient tout simplement une meilleure efficacité organisationnelle… et opérationnelle. Mais surtout, ce type de management replace l’humain au cœur du processus : responsabiliser, faire confiance, décloisonner les organisations et les compétences, c’est aussi permettre aux collaborateurs d’exprimer toute l’étendue de leurs savoir-faire. Et donc instaurer les bases d’une vraie relation gagnant-gagnant.
 
(*) http://fr.wikipedia.org/wiki/Management_agile

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