Quels enjeux pour la Constituante tunisienne ?



Cafeine Le Mag
Mercredi 7 Novembre 2012

Le 23 octobre 2011, le parti islamiste conservateur célébrait sa victoire aux élections, et formulait aussitôt son souhait de créer une coalition avec des partis gauchistes. Un souhait qui nécessitera la rédaction d'une nouvelle Constitution. Mais au regard de la Constituante tunisienne de 1956, qui a échoué dans son objectif de créer une démocratie, la nouvelle Constitution aura de nombreux défis à relever pour être un symbole démocratique.


Quels enjeux pour la Constituante tunisienne ?

La Constituante tunisienne de 1956

La notion de Constitution avait été initiée par le fondateur du Parti libéral constitutionnel en 1920. Cette notion fut reprise par Habib Bourguiba, le père de l'indépendance, et a servi à affirmer l’identité politique du pays. Cette notion de Constitution était alors appréhendée comme un moyen de rupture avec l'empire colonial français et un moyen d'accès à la modernité institutionnelle et juridique. Mais c'est seulement en 1955 que les nationalistes, une fois arrivés au pouvoir, ont formulé une demande d’assemblée constituante. Ainsi, suite à l'autonomie de gestion interne accordée par l'empire colonial français, le congrès de Sfax du Néo-Destour invite le gouvernement en novembre 1955, à procéder à des élections démocratiques pour cette assemblée. Le but était alors pour Ben Youssef, de faire accéder la Tunisie, à une indépendance totale, comprenant notamment l'indépendance de la Défense et de l'Administration qui, à l'époque comptait plus de Français que de Tunisiens.

Quand la Tunisie a obtenu son indépendance totale

Après avoir obtenu son indépendance interne, la Tunisie était toujours sous la domination française sur les terrains diplomatiques et en matière de Défense. C’est la raison pour laquelle l'assemblée s'est réunie le 8 avril 1956 dans la salle de trône du Bardo pour composer une Loi constitutionnelle. Enfin, une première « petite Constitution naissait ». Mais cette première Constituante était légère et se contentait de mettre des formes ambigües pour justifier la question du lien entre l'État et la religion. Une question pourtant dominante qui va à l'encontre des modèles occidentaux. Toujours est-il que la France finira par accorder à la Tunisie son indépendance totale, grâce à l'initiative de cette Constitution. C'est alors que la monarchie tunisienne est montrée du doigt par Bourguiba qui obtiendra le 17 juillet 1957 l'abolition de cette dernière, et dans la foulée, la proclamation d’une république.

Une république « monarchique »

Suite à la proclamation de la République, un nouveau projet de Constitution apparaît. Une Constitution républicaine qui sera d’abord succincte et comblée au fil des années. Mais elle n’apportera jamais vraiment de précisions sur la séparation de la religion et de l'État, ni même de garanties significatives en matière de libre expression, de droit syndical, de droit de l'Homme et autres droits fondamentaux. D'autre part, le chef de l'État ne peut être tenu pour responsable devant aucune instance, et ce dernier possède un pouvoir quasi illimité. La Constituante de 1956 a donc été un outil favorable à l'indépendance de la Tunisie, et à l'affirmation de sa souveraineté. Mais cette dernière a échoué dans l'instauration d'une démocratie moderne. La nouvelle Constitution que veut aujourd'hui rédiger le parti islamiste pourrait bien redonner un sens à la notion démocratique de l'État tunisien. Mais il faudra encore surmonter autant de défis que ceux de la Constituante de 1956, et défaire cette fois les nœuds des partisanismes politiques, traditionnels et religieux qui pourraient à nouveau scléroser l’État.

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